Saute, aucun elastique ne te retient [libre]

Je n'étais pourtant pas du genre à me lever de bonne heure mais au contraire à flemmarder au lit. C'était le dernier comportement de liberté qui me restait ou presque, surtout quand j'avais dû passer la nuit avec un de ces clients qui me faisaient horreur. C'était pour moi un refuge où je cherchais à oublier. Pourtant, ce matin-là, étrangement je me réveillais tôt. Le client qui avait passé la soirée et la nuit avec moi était parti de bonne heure, regagnant sans doute le continent pour y retrouver des amis avec qui il raconterait sur un ton égrillard la nuit qu'il avait passé ici à moins qu'il n'aille tout simplement rejoindre son épouse fidèle et ses enfants qu'il embrasserait tendrement au retour d'un soi-disant voyage d'affaires.

Cette pensée me fit frissonner d'horreur. Je n'arrivais décidément pas à m'habituer à ma situation ici. J'étais peloetonnée dans mon lit, ayant regagné ma chambre alors qu'il faisait encore nuit. Une fois de plus je me sentis sale. Pour essayer de retrouver un état à peu près normal, je pris une douche, me frottant vigoureseument avant de revêtir une tenue décontractée, pantalon et un top aux fines bretelles. Le jour se levait tout juste et la journée s'annonçait fort belle. Je sortis de la résidence où se trouvait la superbe chambre qui me servait de logement alors qu'en général, comme les autres filles, j'allais rejoindre à l'hôtel ou dans un bungalow les clients qui achetaient, fort cher, mes "prestations". Cet argent je n'en voyait certes que fort peu la couleur même si je vivais ici confortablement et le luxe de ma chambre en était le témoin. C'était le lot de toutes les "purpose" qui étaient amenées ici contre leur gré.

Je me dirigeais vers la falaise et me fit la réflexion, une fois de plus, que mes geoliers, pour moi comme pour toutes les autres Purpose ne prenaient guère de risque à nous permettre de sortir librement de la résidence. Nous n'avions que fort peu de chances de nous évader de l'île, la falaise étant impressionnante et l'accès à la mer devant se faire par le petit port de l'île, sévèrement surveillé. Il y avait bien aussi sur l'île des plages, de petites plages mais il s'agissait de plages privées attachées à l'hôtel ou aux bungalows. Il était bien difficile de s'y aventurer même si cette idée d'évasion trottait dans ma tête depuis des mois et des mois.

J'aperçus au loin une silhouette face à la mer, au bord de la falaise. Ce devait être une femme, sans doute une des Purpose ou des escort de l'île. Elle s'assit au bord, détachant sa natte que je distinguais bien maintenant et je devinais à cette instant qu'il s'agissait de Gillian, une de mes "collègues" d'infortune. J'arrivai juste derrière sans qu'elle bougeat. Pourtant elle m'avait certainement entendu arriver, même si le léger vent pouvait avoir atténuer le bruit de mes pas. Gillian ne faisait pas partie de ce qu'on pouvait appeler mes amies. Pourtant tout aurait dû nous rapprocher et en premier lieu l'horreur de la vie que nous menions. Mais ce n'était pas le cas.

"Bonjour Gillian! Tu es matinale à ce que je vois..."

J'étais maintenant à sa hauteur.

J'avais essayé d'être la plus décontractée possible dans ma façon de parler à Gillian. On ne savait jamais comment lui parler et c'était toujours un exercice délicat. Car, consciemment ou pas, elle ne manquait pas une occasion de nous faire sentir "sa" différence. Et, bien entendu, cela ne manqua pas cette fois encore. "pendant que vous dormez dans vos draps de soie... je suis déjà debout à me demander quel enfer sera ma journée". Mais que croyait-elle donc? qu'elle était la seule à souffrir... Cela commença à m'énerver et j'eus soudain l'impression que le ciel s'obscurcissait. Il y avait chez cette fille quelque chose de méprisant qui m'insupportait. Je me demandais comment Sherlyn et Eden pouvaient être amies avec elle.

Et j'eus presque envie de rire, ce que j'aurais fait dans d'autres circonstances, quand elle parla de "draps de soie" ! ... elle qui se complaisait dans le luxe depuis sa naissance et ici encore. Je finissais par me demander si elle ne nous jouait pas la comédie quand elle parlait de sa souffrance et si elle n'était pas de connivence avec les macs. Et la suite de ses propos fut pire encore ... elle ne cherchait qu'à me blesser et le pireétait qu'elle y parvenait.

Citation :

Pourtant, ce n’est pas ton genre à toi. Ton client t’aurait il réveillé pour des dernières faveurs avant de repartir sur le continent

Je pris ça en pleine figure et restait un instant sans voix. De la pure méchanceté. Elle prenait plaisir à me rappeler les pires moments comme si c'était un plaisir pour moi. J'eus la sensation qu'elle cherchait à me provoquer mais sans comprendre dans quel but. Ce n'est pas de me traiter ainsi qui allait adoucir son sort. Je lui lançais un oeil noir et si j'avais pu je l'aurais foudroyée sur place. Et la voilà qui en plus se trémoussait dans sa tenue si sexy qu'on ne pouvait avoir de doutes sur ce qu'elle faisait ici. Je lui répondis avec déjà un voile de colère dans la voix.

"heureusement que mon client est parti avant même que je me réveille ... et si je ne me réveille pas de bonne heure c'est parce que l'horreur de ma situation ici me tient éveillée presque toutes les nuits... J'apprécie bien moins que toi les draps de soie ...

Je la regardais d'un air méprisant et observait sa tenue un peu étonnante pour l'heure et le lieu. Je ne pus m'empêcher de lui envoyer une pique.

"mais j'ai l'impression que tu es déjà dans ta tenue préférée, celle qu'affectionne les clients qui viennent ici. On ne peut avoir de doute sur ton activité ici ... et cela te va à ravir."

Notre discussion était mal partie et je compris à cet instant que cela ne ferait qu'empirer. Je n'avais certes pas été très gentille dans ma réponse mais ce que j'entendis sortir de sa bouche et ce que je lus dans ses yeux me hérissèrent le poil. Cette fille était indécrottable et se souciait fort peu des autres. Tout se ramenait à elle, à sa petite personne. A l'écouter elle était la fille la plus malheureuse de la terre et il n'y avait qu'elle qui vivait une enfer. Mais b....l qu'elle ouvre un peu les yeux. Nous étions toutes prisonnières sur cette île et on nous obligeait toutes à avoir des relations avec des clients qui nous considéraient comme de simples objets.

Gillian avait vraiment une tête à claques et je ne sentais pas le moindre souffle de sincérité chez elle. Plus les choses avançaient, plus mon jugement devenait sévère, je dirais même que j'en devenais excessive. Par moments je me demandais même si elle ne prenait pas un certain plaisir à jouer les martyrs et aussi ... à recevoir les clients. Son regard me glaça et son sourire ironique m'exaspéra. Il fallait que je me soulage, que je jette mon venin, sinon je ruminerais tout cela et j'en serais malade.

"tu as beau proclamer haut et fort l'horreur que ta vie ici déclenche en toi, j'ai du mal à te croire. J'ai la réponse à ta question ... je sais que tu aimes ça ... ces mecs qui viennent pour ton corps, qui te complimentent pour ta beauté ... ce luxe qui t'entoure et dont j'ai l'impression que tu ne peux te passer! ... tu es vraiment dans ton élément ici."

Mes propos dépassaient largement ma pensée mais elle m'énervait tellement que j'avais du mal à me maitriser. Et puis, oui, cela me faisait du bien. Cela ne m'aiderait pas à m'évader d'ici mais au moins elle ne m'obligerait pas à me poser des questions sur ma situation ici. Car parfois je m'interrogeais sur ma responsabilité dans l'enchainement des faits qui m'avait conduite dans cette île. Et puis je déprimais certaines fois à l'idée que je ne résistais pas assez à mes kidnappeurs. Et insulter Gillian m'aidait à mieux supporter ce que j'étais devenue.

J'avais sans doute été un peu loin dans ma façon de lui dire ce que je pensais d'elle mais sa réaction me prit complètement au dépourvu. Je vis la colère briller dans ses yeux et puis, sans que je puisse esquiver sa main partit et me gifla violemment. J'en restais totalement sidérée et la brulure de la gifle me marquait aussi bien moralement que physiquement. Mais cette cinglée n'en resta pas là. M'attrapant à moitié par les bords de mon vêtement, me déshabillant presque, et à moitié par les épaules, elle me poussa jusque dans le vide. J'eus l'impression que ma dernière heure était venue et que j'allais basculer dans l'abyme. Terrorisée, je poussais un grand cri, presque un hurlement. Cela eut sans doute le don de la faire revenir à de meilleures dispositions.

Je reprenais avec beaucoup de difficultés mes esprits et je voyais toujours briller dans les yeux de Gillian cette colère qui s'était emparée d'elle. Cette fille n'était décidément pas normale et ses réactions totalement incontrolées. Rien ne justifiait une telle violence et ce n'était pas cette attitude qui allait me rapprocher d'elle. J'aurais eu envie de dire à cette sale petite p... qu'elle méritait bien son sort et que quand on est prête à tout pour satisfaire ses goûts de luxe il ne fallait pas s'étonner des conséquences. Mais je me méfiais maintenant de ses réactions et me tus. Mon regard evait cependant en dire long sur le mépris qu'elle m'inspirait.

Elle resta un moment l'oeil dans le vague, comme aux prises avec d'insondables fantasmes. Les conditions de vie ici devaient, pour elle comme chacune d'entre nous ou presque, la déboussoler. Mais je ne pouvais pourtant lui accorder des circonstances atténuantes. Et la remarque qu'elle me fit ensuite, sortant quelque peu de cette espèce de torpeur qui l'avait envahie, me laissa perplexe sur son état mental et son sens des valeurs.

"Non je n'aime pas les compliments que me font les clients... Je ne suis pas une p... moi!... Je ne suis pas prête à me satisfaire du luxe et des compliments dans la situation où nous sommes. Je voudrais mener une vie normale et tranquille ... libre. Et le luxe, le sexe et la drogue ne font pas partie de mes valeurs ..."

Je m'étais exprimé avec d'abord une rage un peu contenue qui fit place petit à petit à une certaine véhémence. C'était aussi pour moi une manière d'évacuer la peur qui s'était installée en moi au moment où elle m'avait giflée puis acculée dans le vide.